Communiqué de presse 

L’inquiétude rythmique Valère Novarina 13. I > 12. III. 22 exposition jusqu’au 12. III. 22 du mardi au vendredi de 10 heures à 18 heures et le samedi de 14 heures à 18 heures

Vernissage – samedi 15 janvier, de 14 heures à 18 heures

Commentaires (sur réservation) : samedi 22 janvier, de 15 heures à 16 heures

Au TNP

Le Jeu des Ombres

Valère Novarina – Jean Bellorini

13 – 30 janvier 2022

Le geste de la langue © Cécile Cayon Cyrille Noirjean

« L’Inquiétude rythmique », une exposition de Valère Novarina à URDLA croise et articule plusieurs dimensions de notre histoire. Ce sont d’abord des liens ataviques avec le théâtre et plus spécifiquement, à Villeurbanne, avec le TNP. Aussi la présence de Valère Novarina comme auteur du « Jeu des ombres » que Jean Bellorini met en scène offrait une occasion de manifester des liens anciens qui ont traversé les générations et de participer au centenaire du TNP.

L’attrait de URDLA pour la présentation d’artistes qui circulent dans la littérature, les arts plastiques et le spectacle vivant inscrit cette exposition et l’édition des lithographies dans une collection non nommée mais présente à notre catalogue. Sans doute l’appétence de Max Schoendorff pour les lettres et le théâtre a installé ce goût. Évidemment, on pensera aux lithographies que Bob Wilson réalisa en 1984 alors qu’il travaillait à l’Opéra de Lyon aux mises en scène de deux « Médée », celle de Charpentier et l’autre avec Gavin Bryars.

L’ensemble donna du reste lieu à une exposition au TNP au milieu des années 90 lors de « Hamlet A Monologue. » Ainsi régulièrement depuis près de 45 ans des expositions rappellent cette inclination : Onuma Nemon en 2012, Paul Armand Gette en 2016, Cécile Reims & Fred Deux en 2017, les expositions de Jean-Claude Silbermann (2010 et 2020), Daniel Nadaud (2015), Adrien M & Claire B (2017)…

Pourtant c’est bien là le seul trait qui permet de réunir ces artistes de générations, de provenances et de langages plastiques hétérogènes. La peinture de Novarina peut envahir et obturer la scène du théâtre de Novarina. Cette manière d’habiter la scène fournit à la fois une trame, un appui, mais aussi duplique-t-elle le surgissement des mots (ceux de Novarina ?) et parfois l’obturation de l’ouïe par le chant, par une logorrhée ruminatoire jouée. Ainsi faut-il entendre l’injonction que porte l’une des peintures de l’exposition : « Observez les logaèdres ! » C’est aussi le titre d’un recueil paru chez P. O. L. en 2014. L’injonction se déplace de la page du livre, à la scène du théâtre, à l’espace de l’exposition. Pour que le langage prenne corps il lui faut un espace : dès lors convoque-t-il le temps (rythme). « Les logaèdres sont les mots, mais non-alphabétisés, non domestiqués et alignés et au repos, comme dans le dictionnaire… » c’est-à-dire en attente du rythme de la vie, soit de la respiration, qui les sépare, les dissocie. Les observer indique que ce qui tient cet animal c’est le regard d’où émergera à la fois l’image à la fois les mots portés dans un corps. Il y a bien sûr celui des acteurs qui peuvent jouer avec les peintures et le texte, il y a le corps du livre ou du tableau. Voir Novarina peintre ou dessinateur au travail c’est être face à un corps qui se fait organe d’une langue – « l’organe du langage, c’est la main » a-t-il pu dire. À quelle langue prête-t-il son corps lorsque il peint, lorsqu’il dessine ?

Entendez-vous le polyèdre dans logaèdre ? La multiplicité des bases, des appuis et des arêtes : le regard, l’ouïe, la parole et le corps. La contiguïté et le voisinage qui font glisser la signification univoque au profit du rythme, de la coupure et de la scansion. « La parole est d’origine. Elle n’est pas quelque chose qu’on aurait gagné sur les animaux à force d’évoluer, mais quelque chose qui – dans sa dialectique, son dialogue, dans sa traversée respiratoire, son passage par la mort – va plus loin que toutes les choses parce qu’elle les rejoint dans l’instant de leur apparition. » La parole ne communique pas, n’énonce pas : elle appelle. Le langage n’a rien à décrire puisqu’il commence. » (« L’Animal imaginaire », P. O. L., 2019

Aussi la peinture qui est langage commence-t-elle : y est appelé le regard de celui qu’on nomme regardeur. Dans ce mouvement de l’oeil à la surface du tableau, de ce premier écart s’institue la matrice du rythme. Ainsi est-il convoqué à lier, à faire tenir ensemble les peintures, les lithographies, les dessins. Vient-il troubler et agiter le repos des logaèdres endormis? C’est précisément l’étymologie d’inquiétude. « L’inquiétude rythmique » à la fois le titre d’un tableau de Novarina et le titre d’un article de Jean-Noël Vuarnet à propos de la peinture de son ami. « Le philosophe ès arts, écrit-il dans “ Le Discours impur ”, a la vue double – qui n’est pas la double vue mais donne des perspectives plurielles ou cavalières et des idées chantantes que la langue trahit toujours mais désigne cependant pourvu qu’on la tenaille avec deux pointes, qu’on la tourmente, pour la rendre semblable à la langue des serpents : bifide. » Vademecum au regardeur : prendre appui sur le regard et la vue de l’esprit. Il vaut dans l’exposition et au théâtre.

Valère Novarina Genève, 1942

Valère Novarina est né en 1942 à Genève, de Manon Trolliet, comédienne, et de Maurice Novarina, architecte. Il passe son enfance et son adolescence à Thonon, sur la rive française du Léman. Il écrit tous les jours depuis l’âge de huit ans. À Paris, il étudie à la Sorbonne la philosophie et la philologie. Il lit Dante pendant une année et rédige un mémoire sur Antonin Artaud. Il rend souvent visite à Roger Blin qui projette de mettre en scène l’un de ses textes. En compagnie de Jean Chappuis, il fait l’ascension du Mont Blanc, va de Thonon à Nice à pied et traverse la Corse.

Sa première pièce, L’Atelier volant, sera mise en scène par Jean-Pierre Sarrazac en 1974. Marcel Maréchal lui commande une libre adaptation des deux Henry IV de Shakespeare, Falstafe, qui sera montée au Théâtre National de Marseille en 1976. Le Babil des classes dangereuses – roman théâtral – est refusé par tous les éditeurs, jusqu’à ce que Jean-Noël Vuarnet le dépose chez Christian Bourgois qui le publiera en 1978. Suivra La Lutte des morts en 1979. Le Drame de la vie est publié par Paul Otchakovski-Laurens en 1984. C’est à cette époque que Valère Novarina rencontre Jean Dubuffet – et engage avec lui une correspondance par pneumatiques. Une activité graphique puis picturale se développe peu à peu en marge de ses travaux d’écriture : dessins des personnages, puis peintures des décors lorsqu’il commence, à partir de 1986, à mettre en scène certains de ses livres.

Les éditions P.O.L. publient Le Discours aux animaux en 1987 ; Théâtre (L’Atelier volant, Le Babil des classes dangereuses, Le Monologue d’Adramélech, La Lutte des morts, Falstafe, 1989) ; Le Théâtre des paroles (Lettre aux acteurs, Le Drame dans la langue française, Le Théâtre des oreilles, Carnets, Impératifs, Pour Louis de Funès, Chaos, Notre parole, Ce dont on ne peut parler, c’est cela qu’il faut dire, 1989) ; Vous qui habitez le temps (1989) ; Pendant la matière (1991) ; Je suis (1991) ; et deux adaptations pour la scène du Discours aux animaux : L’Animal du temps, et L’Inquiétude, en 1993. Enfin, toujours chez P.O.L, Valère Novarina publie La Chair de l’homme, en 1995 ; Le Repas en 1996 ; Le Jardin de reconnaissance, L’Espace furieux et L’Avant-dernier des hommes, en 1997 ; L’Opérette imaginaire en 1998 ; Devant la parole, en 1999 ; L’Origine rouge en 2000 ; La Scène en 2003 ; Lumières du corps en 2006 ; L’Acte inconnu en 2007 ; L’Envers de l’esprit en 2009 ; Le vrai sang en 2011 ; La Quatrième Personne du singulier en 2012 ; Observez les logaèdres ! en 2014 ; Le Vivier des noms en 2015, Voie négative en 2017 et L’Animal imaginaire en 2019. Certains textes du volume Théâtre de 1989 ont fait l’objet de nouvelles publications : Le Monologue d’Adramélech en 2009, L’Atelier volant en 2010 et Le Babil des classes dangereuses en 2011. Les livres de Valère Novarina sont traduits en allemand, anglais, arabe, catalan, chinois, espagnol, grec, hébreu, hongrois, italien, japonais, portugais, roumain, russe, slovaque, slovène, tchèque et turc.

Valère Novarina a mis en scène douze de ses textes : La Scène, créée pour le Festival d’Avignon 2003 et dont la première eut lieu au Théâtre de Vidy à Lausanne ; L’Espace furieux, créé en janvier 2006 à la Comédie-Française ; L’Acte inconnu, créé le 7 juillet 2007 dans la Cour d’honneur du Palais des papes au Festival d’Avignon ; Le Monologue d’Adramélech créé le 22 février 2009 au Théâtre de Vidy-Lausanne ; Képzeletbeli Operett / L’Opérette imaginaire créée le 24 avril 2009 au Théâtre Csokonai à Debrecen (Hongrie) ; Le Vrai sang créé le 5 janvier 2011 à L’Odéon-Théâtre de l’Europe ; L’Atelier volant, créé le 6 septembre 2012 au Théâtre du Rond-Point à Paris ; Le Vivier des noms, créé le 5 juillet 2015 au Cloître des Carmes, dans le cadre du Festival d’Avignon ; L’Acte inconnu, version haïtienne, co-mis en scène avec Céline Schaeffer, répété en Haïti avec 6 comédiens choisis par Guy Régis Junior, créé le 24 septembre 2015 au Théâtre de l’Union (Limoges) dans le cadre du Festival des Francophonies ; Ainsi parlait Louis de Funès /Imigyen szola Louis de Funès, co-mis en scène avec Adélaïde Pralon, créé le 17 avril 2016 au Théâtre Csockonai de Budapest (Hongrie) ; L’Homme hors de lui, créé le 20 septembre 2017, et L’Animal imaginaire, créé en septembre 2019, au Théâtre de la Colline à Paris. Il a peint de grandes toiles pour chacun de ces spectacles. Dans sa bibliographie, on distingue les œuvres directement théâtrales, les romans sur-dialogués, monologues à plusieurs voix ou poésies en actes, et enfin les oeuvres dites théoriques, qui explorent le corps de l’acteur où l’espace et la parole se croisent. Insaisissable et agissant, le langage est une matière dans l’oeuvre de ce poète sans mesure. (texte proposé par le TNP).

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